Que sont les Gāyatrī Mantra, comment fonctionnent-ils, quand les utilise-t-on ?
Le tout premier Gāyatrī Mantra apparaît dans le Rig Veda, ce qui en fait l'une des plus vieilles prières du monde encore utilisée de nos jours, sinon LA plus vieille !
En effet, ce mantra, Sāvitri Gāyatrī Mantra, figure dans le 3e mandala, ou 3e livre du Rig Veda, lui-même l'un des plus vieux ouvrages. On pourrait donc dater ce mantra de 1 200 avant J.-C., et réaliser qu'il a été continuellement utiliser depuis presque 4 000 ans.
D'une exclusivité patriarcale à un usage universel
Avant le XXe siècle, seuls les hommes de haute caste employaient ce "Rig védique" Gāyatrī Mantra qui n'était également "entendu" ou "reçu" que par des hommes du même rang. Ce mantra faisait alors partie intégrante d'une religion védique ou brahmanique. Les femmes, les shudras et les intouchables n'étaient pas autorisés à entendre ou prononcer ce mantra jusqu'au XXe siècle où il devient universel et chanté par tous.
De façon surprenante, dans l'Inde moderne, ce mantra est aujourd'hui plus utilisé par les femmes, devenues responsables des pratiques dévotionnelles supposées attirer la bonne fortune sur toute la famille. On peut même entendre ce mantra largement diffusé dans des zones commerciales en Inde, ce qui aurait été très choquant il y a seulement 1 siècle !
À la source du Sāvitri Gāyatrī
On trouve ce mantra originel dans le Rig Veda, 3.60, 2.10. Il commence en réalité par tat savitur. Ce n'est que plus tard qu'on y ajoute OM̐ bhūr bhuvaḥ svaḥ, où OM̐ est le bija mantra originel, bhūr signifie Terre, bhuvaḥ, l'atmosphère et svaḥ paradis ou cieux. Comme une invocation aux trois niveaux de l'existence.
On dit d'un mantra que c'est un Gāyatrī mantra car il implique un mètre spécifique. Un Gāyatrī mantra comprend 3 lignes de 8 syllabes chacune :
[OM̐ bhūr bhuvaḥ svaḥ]
tat savitur varēṇyaṁ
bhargo devasya dhīmahi
dhiyo yo naf pracodayāt |
La prononciation compte donc énormément pour respecter le métrage et conserver ce qui caractérise un mantra Gāyatrī.
Signification de ce Sāvitrī Gāyatrī Mantra
Traduction en anglais par Christopher Wallis
Vedic Gayatri (Sāvitrī Gāyatrī); Ṛg Veda 3.62.10, c. 1200 BCE or older
[ॐ भूर्भुवः स्वः] तत्सवितुर्वरेण्यं, भर्गो देवस्य धीमहि, धियो यो नः प्रचोदयात् ।
[OM̐ bhūr bhuvaḥ svaḥ] tat savitur varēṇyaṁ, bhargo devasya dhīmahi, dhiyo yo naf pracodayāt |
"Om. Earth. Atmosphere. Heaven. May we focus our awareness on the alluring radiance of the rising and setting sun, the Vivifier; may He inspire our thoughts and meditations."
« Om. Terre, Atmosphère, Ciel. Puissions nous concentrer notre attention sur l'éclat attrayant du soleil levant et couchant, celui qui Anime. Puisse-t-il inspirer nos pensées et nos méditations. »
La prière exprimée dans ce mantra est l'espoir de méditer sur la lumière, la radiance, la brillance du Dieu "Savitur", le Soleil levant et couchant, qui redynamise, rajeunit, réanime, et que cette divinité nous inspire sur notre voie.
Influence du Rudra Gāyatrī mantra
Il existe de très nombreux Gāyatrī mantras, un pour chaque divinité majeure. Mais le modèle pour chacun de ces mantras n'est pas le Rig védique Gāyatrī mantra ! C'est en réalité un Saiva Gāyatrī mantra, le Rudra Gāyatrī, le second plus ancien mantra (daté de 2000 ou 3000 ans selon l'école de pensée à laquelle on se réfère).
Traduction en anglais par Christopher Wallis
Rudra Gāyatrī (pre-tantric Śaiva, first seen in the Yajur Veda and the Pāśupata Sūtra), c. 200 BCE or older
ॐ तत्पुरुषाय विद्महे, महादेवाय धीमहि, तन्नो रुद्रः प्रचोदयात् ।
OM̐ tat-puruṣāya vidmahe, mahā-devāya dhīmahi, tanno Rudraḥ pracodayāt |
"OM. May we know that Consciousness-Being; May our minds be focused on the great Divinity; May Rudra impel us forward [on our path]."
Remarque du traducteur : souvent ce mantra est mal traduit, principalement parce qu'il ne respecte pas exactement la grammaire Sanskrite.
Structure d'un Gāyatrī mantra
En se basant sur celui de Rudra, on peut observer une structure que respecteront tous les autres Gāyatrī mantra dès lors :
WE KNOW THIS [DEITY] TO REALIZE PURUSHA (pure csness) MAY WE MEDITATE FOR THE SAKE OF (or TO ATTAIN) THE GREAT DIVINITY MAY RUDRA IMPEL US TO THAT!
Ma traduction, moins pro ! :
Puissions nous reconnaître cette divinité pour atteindre la conscience pure.
Puissions nous méditer pour l'Amour/dans l'intérêt (ou pour atteindre) du Grand Divin.
Puisse Rudra nous propulser vers cela (nous aider à cela, nous soutenir).
(Selon la lignée et le courant de pensée, on pourra comprendre des choses différentes de ce dernier vers. D'après le plus vieux commentateur, il serait ici question du pouvoir de savoir et d'agir, Jnana Sakti et Kriya Sakti.)
On retiendra donc la structure suivante : Puissions nous reconnaître cette divinité pour réaliser __________ (5 syllabes) Puissions nous méditer pour l'Amour/dans l'intérêt de (ou pour atteindre) _________ (5 syllabes) Puisse ________ (2 syllabes) nous propulser vers cela (nous aider à cela, nous soutenir).
OM̐ (tat-)[…] vidmahe, […] dhīmahi, tanno […] pracodayāt |
Utilisation d'un Gāyatrī Mantra
Traditionnellement, un mantra n'est utilisé qu'à partir du moment où le disciple le reçoit d'un enseignant. Désormais, les pratiques se démocratisant, dès lors qu'un élève ne dispose pas d'un tel enseignant et se sent résonner avec un mantra particulier, il est libre d'explorer ses effets.
Si les Brahmanes répètent les mantras rapidement, cela ne signifie pas qu'ils doivent nécessairement l'être. De plus en plus on observe des mélodies changeantes et des prosodies plus lentes qui ne sont pas sans irriter les plus conservateurs…
On utilise un Gāyatrī Mantra pour en obtenir les effets en célébrant la divinité associée, comme ceux escomptés par ceux chantant le Rudra Gāyatrī par exemple.
On choisit un dieu ou une déesse dont on souhaite obtenir la grâce, ou l'énergie, qui résonne avec ce que nous souhaitons inviter dans notre existence à cet instant, et nous travaillons avec le Gāyatrī Mantra associé. (Les divinités ont toutes de très nombreux noms, il devient donc facile de trouver des épithètes à 5 ou 2 syllabes).
Bonne pratique !
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