Depuis la cuisine, je vois pousser une fleur, seule, au milieu d'un parterre de branches mortes et de feuilles en décomposition. Elle est rouge. Au loin, le Rhône serpente entre les vignes et les usines de la vallée commencent à cracher une épaisse fumée blanche et quelques voitures glissent vers Vienne sur la voie sur berge. Je vois un animal filer sur ma gauche : trois gros lièvres se courent après dans le jardin et jouent dans la brume. Je soupire.
J'ai encore des cartons à défaire, ranger, trier. Mais ma tête n'est pas aux devoirs, ni aux projets. J'ai envie d'être là, et d'écouter encore les oiseaux chanter. Depuis quelques semaines déjà, mon esprit bat la campagne, et après avoir souhaité le discipliner, j'ai accepté pleinement son caractère désobéissant pour lui donner ce à quoi il aspire. Le présent.
C'est drôle hein, les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. J'ai un mal fou à me laisser exister. Quand je ne remplis pas chaque heure avec des obligations plus ou moins prioritaires, je me laisse envahir par ma pensée. Dedans. Elle remplit chaque espace, chaque neurone. Elle prend mon air, elle m'étouffe. Parce qu'elle se tourne vers l'intérieur, et que quand je n'y prends pas garde, elle ne se transforme pas en introspection fertile mais en examen impitoyable de mes failles.
Laissons un instant ce mental se tourner vers le dehors, pour respirer. Observer simplement la pluie qui sèche, le soleil qui se lève ou le vent dans les arbres. S'autoriser à sortir de soi, à battre la campagne, pour faire du présent le refuge de son âme.
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